Le merveilleux voyage d’Inès de l’Ouest: entrevue avec Rébecca Déraspe

Vous souvenez-vous de « Deux ans de votre vie », notre spectacle de la saison 2015-2016, et de « Gamètes », présenté à l’automne 2019? Cette saison, c’est notre production jeune public « Le merveilleux voyage d’Inès de l’Ouest », une autre pièce écrite par l’autrice Rébecca Déraspe, que nous vous invitons à découvrir en famille! Découvrez en plus sur l’adaptation de ce texte et l’ensemble de l’œuvre de cette autrice que nous aimons tant dans cette entrevue.

Ce magnifique parcours que tu mènes, peut-on le qualifier de merveilleux voyage?

Rébecca Déraspe: Oh que c’est beau! Oui, j’ai très conscience du privilège que j’ai eu en sortant de l’École nationale de théâtre, je n’ai jamais eu à faire autre chose que le métier que je voulais faire. J’ai un parcours qui me rend fière mais je n’ai pas l’intention de m’asseoir sur mes lauriers, je continue de travailler fort. Puis à chaque nouvelle pièce de théâtre que j’écris, j’ai toujours l’impression que je n’y arriverai pas (rires), c’est toujours le même processus.

Ce projet dont on parle aujourd’hui, ça commence avec la version québécoise « Le merveilleux voyage de Réal de Montréal », qui lui-même est librement inspiré de « Le merveilleux voyage de Nils Holgersson », un livre suédois de l’autrice Selma Lagerlöf, qui d’ailleurs est la première femme à avoir reçu le Prix Nobel de littérature, un livre qui date du début du XXe siècle. Tu peux nous parler de la découverte de ce livre et de ce qui t’a amenée à écrire « Le merveilleux voyage de Réal de Montréal »?

Rébecca: C’est une des premières pièces que j’ai écrite en sortant de l’École nationale de théâtre. Le directeur artistique du Théâtre de la Petite Marée à Bonaventure en Gaspésie, m’a dit : « Lis ça, je pense que ça pourrait faire une bonne pièce de théâtre ». Et parallèlement à ça, Jasmine Dubé, une grande autrice de théâtre jeune public au Québec, qui était intéressée de travailler avec moi et qui était très admirative de la plume de Selma Lagerlöf. Donc le Théâtre la Petite Marée et le Théâtre Bouche Décousue se sont alliés pour faire une co-production de la pièce que j’allais devoir écrire. En lisant le livre, ce qui m’a le plus charmé dans la démarche de cette grande écrivaine, c’était son désir de faire découvrir la géographie de son pays aux enfants de façon ludique. Je me suis dit que j’allais reprendre cette idée et essayer de faire découvrir aux enfants, qui seront présents dans la salle, le territoire du Québec. Et j’ai repris ce désir-là pour faire l’adaptation du « Merveilleux voyage d’Inès de l’Ouest ». L’idée c’est vraiment de montrer aux enfants, par le biais de l’imaginaire, le territoire sur lequel ils habitent.

Ce n’est pas ton seul texte écrit pour le jeune public. Qu’est-ce qu’il représente pour toi ce public?

Rébecca: Personnellement, je le traite comme un public adulte. Ça ne change rien à ma façon d’écrire. Pour moi, c’est le même travail que d’écrire pour un public adulte: on veut des gens dans la salle qui se font raconter une histoire et qui réussissent à réfléchir au monde dans lequel ils vivent. C’est ça qui est à la base de mon travail puis ça reste le même mouvement d’écriture que ce soit pour les enfants, adultes ou adolescents. Je me pose tout de même la question de savoir ce que je veux dire à ces différents publics mais au niveau de la rigueur de travail, c’est vraiment la même chose.

Ton style d’écriture est souvent engagé, plein de punch, de mouvements, fait de courtes phrases où il y a de l’action. Est-ce que tu sens que tu dois d’adapter au niveau de l’écriture elle-même pour le jeune public?

Rébecca: Je pense qu’il y a en moi le même désir de donner à des acteurs des partitions qui vont être faciles à mettre en bouche, avec une oralité théâtrale réelle, que ce soit dans un théâtre pour adultes ou pour enfants. Je me permets étrangement plus de ludisme dans la langue quand il s’agit de théâtre pour enfants, il y a plus de petits jeux avec les mots parce que j’ai l’impression que c’est un public qui va être peut-être plus touché par ce genre de langue, ce que je me permets moins dans le théâtre pour adultes. Quand on sent trop l’écriture de l’auteur au théâtre, personnellement ça me dérange. J’ai envie d’entendre les personnages, je n’ai pas nécessairement envie d’entendre un auteur qui me parle, mais ça c’est personnel. Puis je suis certaine quand dans certaines de mes pièces on m’entend carrément parler (rires), mais mon désir profond c’est vraiment de faire parler des personnages.

La pièce devait partir en tournée une semaine avant le début de la pandémie, il y a deux ans. Comment ça s’est passé pour toi? On pourrait penser que pour une autrice c’est peut-être idéal d’être coincée à la maison, d’avoir tout le temps pour écrire. Est-ce que ça a eu cet effet-là, ou à l’inverse pas du tout?

Rébecca: L’inverse total! Quand la pandémie a débuté, j’ai perdu cinq productions en cours du jour au lendemain, puis l’écriture c’est vraiment, je trouve, un moment où il faut avoir une grande patience pour la rencontre avec le public. La « douleur » de l’écriture est tolérable parce que tu sais que tu vas à la rencontre avec le public. Quand j’ai perdu tout ça, ça m’a pris du temps de faire le deuil de toutes ces productions, Je n’étais pas du tout dans une posture favorable à l’écriture, au contraire, j’étais plutôt dans une version « patate » de mon existence (rires). Mais c’est revenu, et là les théâtres réouvrent et on sent que quelque chose recommence à circuler. Ce que j’ai beaucoup fait pendant la pandémie, c’est de me mettre à écrire des statuts Facebook travaillés, poétiques, avec un propos, j’essayais vraiment de construire des mini-textes. Ça me permettait de garder ce qui m’apparait le plus essentiel dans mon processus d’écriture, c’est-à-dire la rencontre avec l’autre, donc ça m’a beaucoup aidé.

Et au niveau de ta prise de parole, des textes que tu écris, comment choisis-tu tes sujets?

Rébecca: Ça dépend vraiment de chaque projet. J’ai eu énormément de commandes dans ma vie, c’est-à-dire une compagnie de théâtre qui me dit « on a envie que tu écrives sur x ou y ». Sinon, quand c’est une pièce qui vient de moi, comme par exemple « Ceux qui se sont évaporés », c’est vraiment une pulsion très personnelle, une obsession. Dans ce cas-ci, ce sont les gens qui disparaissent, qui s’évaporent, des disparitions volontaires. Puis ce sujet a commencé à m’obséder de plus en plus. Il y a eu un fait divers au Québec d’une fille qui a disparu puis qui a été retrouvée en Saskatchewan. Ça m’a vraiment habité, j’ai commencé à lire là-dessus puis à confronter mon obsession à des essais, à essayer d’approfondir ce que je ressentais, pourquoi ça m’obsédait à ce point, qu’est-ce qu’il y a là-dedans, puis ça a donné la pièce. Donc ça dépend des projets, par exemple en ce moment je suis en train d’écrire une pièce qui s’appelle « Les glaces » qui parle de la question du consentement dans une relation sexuelle. C’est une pièce que j’ai commencée il y a trois ans quand le hastag « me too » était bien présent, que j’ai mise un peu de côté pendant deux ans, et que j’ai reprise cette année pour la retravailler. Et je me suis dit « ah non, je ne vois plus les choses de la même façon, il faut tout réécrire parce que ça a tellement évolué ». Je dirais que les projets que j’initie c’est vraiment parce que j’ai une obsession sur quelque chose que j’essaie de comprendre.

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Écoutez la suite de l’entrevue avec Rébecca Déraspe dans le quatrième épisode de notre série de balados « En coulisses ». « Le merveilleux voyage d’Inès de l’Ouest » sera présenté le 26 mars au Studio 16 au cours de deux représentations familiales, avant que le spectacle ne parte dans une grande tournée dans les écoles élémentaires et intermédiaires de Colombie-Britannique, Alberta et Saskatchewan! Infos et billets disponibles sur la page du spectacle.

 

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