L’amour telle une cathédrale ensevelie : conversation avec Guy Régis Jr

Auteur et metteur en scène de l’opéra-théâtre haïtien L’amour telle une cathédrale ensevelie, présenté au PuSh Festival les 3 et 4 février prochains, Guy Régis Jr est avant tout un créateur polymorphe. A la fois écrivain, poète, dramaturge, comédien et vidéaste, il travaille activement à promouvoir les arts vivants en Haïti avec sa compagnie NOUS Théâtre. Dans L’amour telle une cathédrale ensevelie, il s’inspire de sa propre histoire familiale pour interroger les nombreux départs d’une terre abandonnée vers une vie meilleure.

Cory Haas, directeur artistique et général du Théâtre la Seizième, a eu l’occasion d’échanger avec Guy Régis Jr aux Zones Théâtrales d’Ottawa.

Guy Régis Jr © Henry Roy

 

Cory – Le travail de ta compagnie NOUS Théâtre reflète les questionnements sociologique, économique et politique des membres de la compagnie. Je suis curieux de savoir comment est-ce que vous traitez ces sujets, d’un point de vue dramaturgique? D’où partez-vous quand vous avez l’idée?

Guy – Ce sont des sujets qui font partie de plusieurs textes que j’écris, que ce soient des pièces de théâtre, des romans, (…) et ce sont des sujets qui m’ont toujours intéressé. Je crois que j’ai décidé d’écrire parce qu’il y avait ces choses-là à dire. Je viens d’Haïti. [Dans] les endroits que je traverse, on compte aussi certaines difficultés. (…) En tout cas, j’ai décidé d’écrire parce que je pensais que j’avais quelque chose à dire sur certains sujets, que ce soit locaux ou sur le monde.

Cory – Donc, une fois que tu as une idée, tu développes de la matière, ou tu travailles avec les artistes pour développer cette matière?

Guy – Je suis fondamentalement un écrivain, j’écris la pièce, j’écris le texte. Je prends un temps parce que je fais plusieurs métiers et j’utilise plusieurs médiums, que ce soit sur scène, les comédiens, mon écriture, des images… Donc j’écris. Quand j’écris, j’écris. Je consacre un temps pour cela, assez éloigné de la représentation. Puis, quelques mois plus tard, quand j’ai la chance que ça puisse être monté, je travaille avec les comédiens. (…) Je crois que je respecte tant la mise en scène [parce que] c’est le premier métier que j’ai appris en faisant du théâtre. Il y a des formes que j’aime beaucoup utiliser [comme] l’expressionnisme ; il y a un travail sur les gestes, sur les expressions, (…) sur le corps, sur la voix, extrêmement important parce que les textes sont un peu poétiques, chantés. Je vais appeler d’autres concepteurs : technicien vidéo, vidéaste, créateur lumière, créateur sonore, plasticien, peintre. Et puis je monte. C’est ça le processus du travail.

Cory – La forme de L’amour telle une cathédrale ensevelie se retrouve entre le théâtre et l’opéra, notamment avec la musique d’Amos Coulanges, la performance de Nathalie Vairac. On peut entrevoir l’ampleur cathartique du théâtre grec. Pourquoi ce registre là pour cette histoire-là?

Guy – Je reviens à ce que je viens de dire : un très grand attachement aux textes. Je trouve le théâtre qui a pris naissance en Occident (…) extrêmement important et beau, puissant dans l’espace. Mais dans le cadre d’un pays comme Haïti ou même certains pays en Afrique, les griots (en Afrique subsaharienne, membres de la caste des poètes musiciens ambulants, dépositaires de la culture orale et réputé être en relation avec les esprits, NDLR), les voix, sont très importants aussi. Je viens d’une terre d’écriture. On peut dire des poèmes toute la journée, avec de la musique, c’est quelque chose de naturel en Haïti, on met une guitare, un tambour et puis on dit des poèmes et c’est un spectacle. J’ai toujours voulu travailler sur une forme pareille. J’ai été bercé depuis l’enfance par la musique d’Amos, on connait tous les airs de la musique d’Amos. Et en écrivant ce texte, il y avait quelque chose d’essentiel à ce que ce qui se passe sur la mer soit dans une autre forme. Je pense souvent que si les gens sont en mer et qu’ils vont tous mourir ensemble, peut-être qu’ils chanteraient? En Haïti quand il y a eu le tremblement de terre le 12 janvier 2010, les gens ont chanté dans toute la ville.

Cory – Où se place le spectateur dans ton travail, quel est son rôle pour toi?

Guy – La réception, c’est le plus important. On écrit, on met en scène, on joue parce qu’on veut aller vers les gens. Je crée pour la rencontre, pour ce beau rendez-vous où on va leur dire quelque chose, on les interpelle. (…) je dirige un festival en Haïti [le festival 4 Chemins, NDLR]. On convoque la ville autour du théâtre, de son spectacle. C’est comme ça que j’ai commencé à faire du théâtre, en prenant les rues gratuitement. Parce que pour moi, il y a une urgence à parler avec les gens. (…) La ville se transforme, le spectacle se transforme en manifestation politique et le lendemain, on doit prendre position face au gouvernement. (…) Alors pour moi, le théâtre, c’est extrêmement sérieux. C’est cette convocation sérieuse avec le citoyen qui crée pour moi cette envie de jouer et donc la réception est extrêmement importante, oui. (…) Ce théâtre de la cité, c’est très politique parce qu’on a la chance de convoquer, c’est quand même extraordinaire. Tout le monde ne peut pas convoquer facilement.

Cory – C’est la première fois qu’on joue L’amour telle une cathédrale ensevelie au Canada, comment penses-tu que le spectacle sera reçu ici?

Guy – Je pense que ce spectacle est fait pour ici. Parce que le mari retraité est Canadien et c’est une des plus grandes communautés haïtiennes dans le monde. Le fait de jouer ici c’est pour pouvoir parler de la migration. C’est un pays qui a une très grande histoire avec le mélange des peuples. J’ai appris qu’il y avait plus de 600 réserves ici encore et ce n’est pas fameux, ce qui se passe dans les réserves. Donc tout ce mélange des populations, des gens qui étaient déjà là, qu’on vient envahir, d’autres qui arrivent après, ce sont les déplacements humains. Et l’histoire de comment on habite la terre, c’est extrêmement important pour moi. Et ce spectacle raconte ça, et j’espère que ça va nous pousser à discuter encore de cette question-là.

 

L’entrevue complète est disponible sous forme de balado sur le site du PuSh Festival et sur Spotify.


L’amour telle une cathédrale ensevelie est co-présenté par le Théâtre la Seizième et le PuSh Festival en partenariat avec SFU Woodward’s Cultural Program – 3 et 4 février 2024 au SFU Goldcorp Centre for the Arts. Performances en Français et Créole, surtitrées en Anglais.

Billets en vente via le PuSh Festival

Informations sur le spectacle et les activités de médiation sur la page du spectacle

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