Dans les coulisses de Crème-Glacée avec Marie Farsi
Dans un agenda bien chargé, Marie Farsi a trouvé le temps de répondre à nos questions pour expliquer son processus de création, ses inspirations et la manière dont elle a travaillé avec les concepteurs à créer un univers aussi doux et sucré qu’une crème glacée. Une lecture pour entrer dans les coulisses de la création jeune public.
Bonjour Marie !
1. Tu assures la mise en scène de Crème-Glacée, la création jeune public du Théâtre la Seizième cette saison. C’est la première fois que tu travailles sur l’un de nos spectacles, peux-tu nous expliquer comment s’est développée cette collaboration ?
Cela va faire maintenant 6 ans que je souhaite rejoindre la famille d’artistes qui constitue la Seizième ! On ne peut que rêver de pouvoir contribuer au développement et à l’épanouissement de la scène théâtrale francophone du Canada au sein d’une compagnie que l’on respecte et admire sincèrement. Quand Esther Duquette a été nommée à la Direction artistique de la compagnie, je l’ai approchée avec le désir de travailler avec elle et la Seizième. Esther suit de près mon parcours de mise en scène et de création théâtrale et a été très ouverte avec moi: elle m’a lancé le défi de lui faire une proposition de spectacle pour les plus jeunes. À l’automne 2016, j’ai cherché, lu et découvert plusieurs textes de théâtre pour les enfants. La pièce de Marie-Hélène a été un vrai coup de cœur et je l’ai donc proposée à Esther … qui a accepté!
2. Parle-nous un peu de la pièce, qu’est-ce qui t’a plu dans ce texte de Marie-Hélène Larose-Truchon qui n’a jamais été produit encore ?
Je suis avant tout tombée sous le charme des quatre personnages féminins – de générations différentes – qui habitent cet univers ludique, drôle et fantastique, et qui parlent une langue riche, colorée et très imagée. J’aime aussi que le texte nous propose une réalité très actuelle avec un modèle de famille monoparentale et qu’il soulève des questions fondamentales par rapport à nos responsabilités vis-à-vis de nous-mêmes, des autres et de l’environnement.
3. La pièce ne compte que des personnages féminins de plusieurs générations. Peux-tu nous les présenter ?
Notre héroïne, Crème-Glacée, est une petite fille curieuse, frondeuse, qui adore les histoires. Sa maman, Madame Sa Mère, est une jeune femme à la vie débordante, qui travaille pour l’environnement mais n’a jamais suffisamment de temps pour raconter des histoires à sa fille. Samantha la gardienne est une adolescente typique: romantique, un peu délinquante, mais encore un cœur d’enfant. Enfin, un personnage étrange vit dans le fond du pot de crème glacée, la Vieille, qui s’emmerde et adore se parfumer… Ces quatre femmes sont toutes imparfaites, très humaines et très touchantes. Elles apprennent à vivre avec elles-mêmes et à s’aimer comme elles sont, grâce à la découverte de l’autre.
4. La Vieille qui s’emmerde sera personnifiée par une marionnette que manipule l’une des comédiennes. Peux-tu nous parler de ce choix?
Par mes choix esthétiques et stylistiques, je tenais à souligner le caractère inexplicable, poétique et surnaturel de la pièce, particulièrement celui du monde dans le fond du pot de crème glacée. Avec la marionnette, je peux d’une certaine façon altérer les lois physiques de cet univers en jouant avec les échelles et en insufflant une âme à un objet inanimé. Donner vie à l’inerte est en soi un acte magique, étonnant, quasi hypnotisant. Le personnage de la Vieille qui s’emmerde incarne tous ces éléments ; il n’y avait aucun doute pour moi qu’elle devait être une marionnette !
5. Quelle atmosphère as-tu voulu recréer sur scène ? Comment as-tu travaillé avec les concepteurs pour créer le monde fantastique de Crème-Glacée ?
Je voulais que le décor, les costumes, la marionnette et la musique nous transportent instantanément dans un univers sucré, ludique et pétillant. Quand je conçois la vision d’un spectacle, je commence toujours par amasser des images, des inspirations. qui évoquent soit l’atmosphère et les lieux, soit les émotions et les personnages de la pièce. Les images étaient d’autant plus essentielles au processus que les concepteurs n’ont pas pu lire une traduction du texte. Ces images sont aussi révélatrices du monde que je m’imagine ! C’est toujours mon point de départ avec les concepteurs. Le plus gros défi pour ce projet était de créer deux mondes visuels : la cuisine-salon de Madame Sa mère et le fond du pot de crème glacée où habite la Vieille. Nous y sommes parvenus grâce à un décor pivotant qui selon moi est une expression totale du monde coloré de Crème-Glacée, où les choses bougent et se transforment ! Le personnage de Madame Sa mère me paraissait très vancouvérois, j’ai donc voulu rapprocher le monde de Crème-Glacée de notre réalité britanno-colombienne. Nous nous sommes inspirés des vieux appartements des années 60 que l’on peut encore trouver dans le quartier bohème et cosmopolite de Commercial Drive à Vancouver, qui est le centre des artistes, des engagés et des végétariens !
6. Quel est selon toi le principal défi lorsque l’on crée pour un public d’enfants ? Quelles sont les différences avec le théâtre pour adultes ?
Les enfants sont le meilleur des publics parce qu’ils sont très honnêtes, ils détectent instinctivement les bonnes histoires ! Il faut donc les accrocher rapidement et ne pas les perdre. Le secret est dans le rythme, l’énergie, la connexion au moment présent, des personnages auxquels ils peuvent s’identifier et un monde qui les fait rêver ! Avec ce spectacle, nous voulons aussi rejoindre les jeunes de 6 à 12 ans. Cela exige de trouver une certaine maturité dans l’écriture, des nuances dans le jeu tout en restant accessible grâce à l’humour, la magie du théâtre et la simplicité de l’histoire.
7. Quelle est ta recette pour interpeler les quelques 18 000 élèves qui verront le spectacle dans les prochaines semaines en Colombie-Britannique et en Alberta ?
Je mise sur l’humour et la finesse du texte, et une mise en scène explosée. J’ai en effet réuni tous les éléments nécessaires pour faire de Crème-Glacée un spectacle dense qui a du punch, grâce à un jeu physique et stylisé, ancré dans la sensibilité et la sincérité des personnages.
Merci beaucoup Marie. On te souhaite beaucoup de plaisir dans la création de Crème-Glacée dont les répétitions ont commencé il y a deux semaines. On a hâte de voir le résultat le 7 avril !