Stallone: entretien avec Clotilde Hesme
Issue du Conservatoire national d’art dramatique de Paris, Clotilde Hesme passe de la scène au grand écran avec aisance. Christophe Honoré la met en scène au théâtre et au cinéma dans « Les Chansons d’amour » en 2007 et elle obtient le César du meilleur espoir féminin pour « Angèle et Tony » d’Alix Delaporte en 2012. Mais c’est en incarnant Juliette Pellegrini dans la série à succès « Lupin », aux côtés d’Omar Sy, qu’elle assoit véritablement sa notoriété. Nous aurons le plaisir de la voir sur les planches dans « Stallone », mis en scène par Fabien Gorgeart, ces 13 et 14 septembre à Vancouver. Entrevue avec cette grande comédienne à quelques jours des représentations.
Avec cette pièce, vous retrouvez Fabien Gorgeart, réalisateur avec lequel vous aviez collaboré pour le court-métrage Un chien de ma chienne (2012) et le long-métrage Diane a les épaules (2017). Comment s’est passée cette nouvelle collaboration et la co-création de ce spectacle? Y a-t-il des différences entre la direction de Fabien au cinéma et au théâtre?
Clotilde Hesme: Avec Fabien nous avions très envie de retravailler ensemble et une grande envie de vivre notre collaboration au théâtre. C’était sa première mise en scène. Il a fallu se faire confiance, sans avoir recours aux images projetées. Je crois beaucoup à l’épure au théâtre, les mots font image. C’était un challenge pour nous qui venions ensemble du cinéma et il a fallu qu’on traverse différentes étapes dans la construction du spectacle avant de trouver sa forme finale. Fabien m’a toujours imaginée comme une héroïne de film d’action et Lise, le personnage de la pièce, est en perpétuel mouvement, elle se bat, comme Rocky. Et Fabien, au cinéma comme au théâtre, est un spectateur attentif des mouvements de l’âme chez les acteurs. C’est un guide bienveillant, à l’écoute.
Votre partenaire à la scène est Pascal Sangla, à la fois interprète et musicien, qui vous donne la réplique et déconstruit la bande-originale culte “Eye of the Tiger” tout au long du spectacle. Une simplicité et une synergie émanent de votre duo, tour à tour drôle et touchant. Comment avez-vous abordé ce travail ensemble?
C.H.: Pascal Sangla est un ami rencontré au conservatoire d’art dramatique début des années 2000. À la sortie de l’école, nous avons travaillé ensemble sur un spectacle qui évoquait Howard Hugues et les starlettes de la RKO (Radio-Keith-Orpheum Pictures, la plus ancienne des sociétés américaines indépendantes de production de films de cinéma). Déjà des figures de cinéma… Il interprétait l’impresario et il jouait du piano; je chantais. C’est un spectacle sur lequel je me suis beaucoup amusée et il en était en grande partie responsable! Je me suis promise de le retrouver un jour. C’est l’acteur musicien le plus talentueux que je connaisse. Il n’y a que lui pour improviser sur le texte en jouant du piano en même temps, et être à la fois si léger et si profond. Il a totalement créé la musique, la bande sonore du spectacle avec des références que nous partagions, tirées de certains thèmes des films de Stallone ou de certaines références plus personnelles.
Quel a été l’impact de la nouvelle éponyme d’Emmanuèle Bernheim, Stallone, sur vous? Pouvez-vous nous parler du processus d’adaptation de l’œuvre littéraire à la scène?
C.H.: La lecture de la nouvelle a vraiment eu l’effet d’une révélation, un vertige. J’ai tout de suite eu l’envie de partager cette expérience de lecture. J’avais la très forte intuition de pouvoir sur scène faire vivre ce personnage tout en le laissant à la troisième personne. Je ressentais dès le début une grande proximité, une grande intimité avec ce personnage et ce récit de la vie d’une femme qui se bat, qui s’affranchit de figures masculines pas toujours bienveillantes autour d’elle, je voulais le partager. Une femme qui raconte la vie d’une femme, ni tout fait la même, ni tout à fait une autre…
Sylvester Stallone, une figure qui vous inspire?
C.H.: Nous sommes issus d’une génération très, même trop, nostalgique de cette contre-culture pop des années 80. Nous avons été bercés par ce cinéma là. Impossible de choisir dans le spectacle si la dévotion pour Stallone est belle ou ridicule. C’est d’ailleurs cette frontière qui fait la saveur du texte d’Emmanuèle Bernheim et de son univers.
Personnage central de la pièce, Lise est une jeune femme qui vit une véritable épiphanie en visionnant le film Rocky 3 et décide de reprendre le contrôle de son destin, à l’instar du célèbre boxeur. Vous livrez une interprétation forte et bouleversante. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce rôle? Vous retrouvez-vous dans le personnage de Lise?
C.H.: La vision de Rocky 3 crée un choc chez Lise, une extase douloureuse. C’est le syndrome de Stendhal avec une œuvre populaire. Le récit d’ Emmanuèle Bernheim m’a bouleversé, il a fait écho en moi, et a redessiné mon rapport au jeu et à mon travail. Stallone dit « C’est comme si je parlais à travers Rocky ». Je pourrais dire que c’est comme si je parlais à travers Lise.
Votre jeu va de pair avec une impressionnante performance physique sur scène. Qu’est-ce que cela implique en termes de travail?
C.H.: Le théâtre met en jeu tout le corps. Rien ne peut être morcelé comme au cinéma. Le théâtre pour moi c’est comme la boxe, c’est un acte de foi, un moment de vérité. « Le cinéma ment. Pas le sport. » (ce bon vieux Jean Luc Godard)
Vous avez remporté cette année le Molière de la meilleure comédienne pour ce rôle. Que signifie cette récompense pour vous?
C.H.: Obtenir un Molière ne signifie sincèrement pas grand-chose pour moi. Si ce n’est que ça fait très plaisir à ma famille et que ça fait joli sur la cheminée.
Quels sont les autres projets dont vous pouvez nous parler sur lesquels vous travaillez actuellement ? Aura-t-on la chance de vous revoir sur les planches prochainement?
C.H.: Je vais bientôt participer à une lecture musicale adaptée du livre de Mona Chollet « Sorcières » et je travaille à l’écriture d’un spectacle autour de la figure d’un résistant de la seconde guerre mondiale.
En quelques mots, que diriez-vous au public vancouvérois pour lui donner envie d’assister à Stallone?
C.H.: Stallone c’est le chant d’un envol. C’est l’histoire du sursis qu’est la vie. Que fait-on du temps qui nous est donné à vivre? Face à des questions existentielles profondes, le spectacle est un hymne puissant à la nécessité de vivre en pleine conscience. Ce spectacle peut aider à assumer ses désirs, voire ses obsessions! Stallone c’est aussi l’idée que nous avons tous un secret qui nous aide à vivre. Tout ça en musique et avec beaucoup de tendresse et d’humour!
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Les représentations de Stallone se tiendront les 13 et 14 septembre au Newmont Stage du BMO Theatre Centre, à 19h30.
Infos et billets sur la page du spectacle: seizieme.ca/fr/spectacles/stallone/