Ceci est une histoire d’amour: entrevue avec l’auteur James Gordon King

C’est dans le cadre du programme de développement dramaturgique de la Seizième que l’auteur James Gordon King a développé la pièce This is a love story, traduite en français par Ceci est une histoire d’amour, une œuvre proche de la comédie romantique et destinée aux adolescent·e·s. Après avoir été traduite par Gilles Poulin-Denis (S’effondrent les vidéoclubs, Straight Jacket Winter, Bonjour, là, Bonjour), le spectacle est aujourd’hui mis en scène par Marie Farsi (Nos Repaires, Crème-Glacée). Il sera présenté lors d’une représentation familiale au Studio 16 le samedi 1er avril, avant de partir en tournée dans les écoles secondaires de la province entre le 3 avril et le 3 mai. James Gordon King se livre sur son processus d’écriture, sur ce qu’il cherche à transmettre au théâtre ainsi que les questions philosophiques qui l’habitent et qui imprègnent la pièce.

Ceci est une histoire d’amour est une pièce que le Théâtre la Seizième a commandée dans le
cadre de son programme de développement dramaturgique. Peux-tu nous parler de la genèse
de ce projet et de ce que ce programme représente pour toi?

James Gordon King: J’ai approché Esther Duquette, directrice artistique de la Seizième, en 2018 pour lui parler de ce projet. Je savais que le théâtre cherchait des auteur·rice·s pour une commande jeune public et j’avais envie de collaborer avec la compagnie. Mon ambition était de faire quelque chose de simple. Je pense qu’au Canada, il y a une tendance à faire beaucoup de théâtre jeune public axé sur des thèmes sociétaux parce que l’on considère le théâtre comme une plateforme importante et que nous en avons besoin pour mettre en lumière ces problèmes. Même si je ne suis pas en désaccord avec cette position, pour moi l’écriture en général (mais au théâtre, plus précisément) c’est avant tout des histoires que l’on raconte. C’est de permettre à un public de ressentir ou d’expérimenter quelque chose à travers les personnages, et ce que je voulais que ce public vive, c’est le sentiment de tomber amoureux pour la première fois. Je voulais écrire une pièce avec les hauts vertigineux et les bas dévastateurs de l’adolescence et de l’amour. Une chanson pop, essentiellement. Mais je voulais explorer une dimension méta avec ça. Je voulais analyser comment notre culture de masse informe notre compréhension
de l’amour naissant et ce que cela signifie.

Comment s’est déroulé le processus d’écriture? Avais-tu une idée précise de l’histoire que tu voulais raconter?

James: Le processus d’écriture a été extrêmement difficile. Principalement à cause de toute la métathéâtralité que j’y avais instaurée. Je trouvais parfois que les idées de la pièce faisaient de l’ombre aux personnages et à l’histoire. Le plus grand défi pour moi a été « comment faire pour recentrer les personnages et les mettre de l’avant? » Parce que je pense que, pour qu’un public ressente quelque chose, nous avons généralement besoin de personnages identifiables et sympathiques auxquels s’accrocher. Et je pense que, grâce à beaucoup de travail avec Gilles Poulin-Denis, Anita Rochon et Marie Farsi, j’ai réussi à trouver un bon équilibre. En ce qui concerne l’idée de l’histoire, je voulais suivre le modèle de la comédie romantique. J’ai donc étudié cela. La seule chose dont je n’étais pas convaincu était la fin parce que – sans trop en dévoiler – les fins dans la vie réelle sont bien plus ambiguës que dans les films. Mais je savais qu’elle devait être satisfaisante également. Trouver la bonne fin m’a donc pris un peu de temps. C’était probablement la partie la plus difficile du processus.

À travers le prisme de la comédie romantique, la pièce soulève des questions philosophiques sur le destin et le libre arbitre. Penses-tu que nous sommes maîtres de notre propre vie ou que tout est écrit pour nous?

James: Je pense qu’en général notre société accorde trop d’importance aux choix individuels (notre « liberté de choisir ») et que cela nous a mené vers une société aliénée, déboussolée et névrosée. Je pense que cette idée que nous sommes maîtres de notre propre destin est, peut-être dans l’esprit moderne, vaine et narcissique. En réalité, il y a tellement de choses dans ce monde – que ce soit notre classe sociale, notre ethnicité, notre éducation, notre communauté, notre relation à la terre, etc. – qui peuvent prédéterminer nos choix. Maintenant, est-ce que cela fait de moi un déterministe? Non, mais je pense qu’il est important de comprendre que nous, en tant qu’êtres humains, vivons en relation avec nos conditions. On pourrait même dire, selon notre niveau de fatalisme, que nous sommes esclaves de nos conditions. Mais ce que l’on retrouve dans toutes sortes de cultures différentes, ce sont ces personnages mythiques qui défient leurs conditions données (souvent en défiant les dieux) afin de devenir, essentiellement, des héros. Je pense à des personnages comme Prométhée, Corbeau, ou même des mortels ordinaires comme Antigone ou Orphée. Ainsi, pour répondre à cette question, oui, je crois au libre arbitre, mais je pense que c’est cela est réservé aux plus héroïques d’entre nous. Parce que cela requiert souvent beaucoup de courage et de sacrifice.

Ta pièce sera montée et mise en scène pour la première fois par Marie Farsi. Quelle partie de ton texte as-tu le plus hâte de découvrir sur scène?

James: Il y a beaucoup de narration dans le texte et je suis curieux de voir à quel point cela est nécessaire et à quel point cela peut être communiqué par l’image ou la gestuelle. C’est toujours quelque chose de difficile à estimer en tant que dramaturge – surtout dans une pièce qui repose autant sur des concepts. Mais Marie a un excellent vocabulaire pour la scène, et elle est formidable pour faire ressortir les idées des acteurs. J’ai vraiment hâte de voir ce qu’elle a à ajouter à ce texte.


Pour découvrir le résultat sur scène, rendez-vous à la représentation familiale du spectacle le samedi 1er avril à 19h30 au Studio 16.
Infos et billets sur la page du spectacle

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Vancouver, C.-B. V6J 1S1

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