Entrevue avec Catherine Bourgeois, co-créatrice de VIOLETTE

14 JANVIER, MISE À JOUR COVID-19 – ANNULATION DE VIOLETTE

À quelques semaines de l’accueil de VIOLETTE, nous nous sommes entretenues avec Catherine Bourgeois, cheville ouvrière de la compagnie montréalaise Joe Jack et John. Œuvre intimiste aux thématiques fortes et expérience immersive par le biais de la réalité virtuelle, vous ne sortirez pas de la rencontre avec Violette inchangé·e…

Avec la compagnie Joe Jack et John, vous prônez un théâtre inclusif et engagé, et produisez des spectacles très forts, qui interrogent la notion de norme sociale. VIOLETTE ne fait pas exception et traite de l’abus de femmes en situation de handicap intellectuel. D’où vient le choix de cette thématique ?

Catherine Bourgeois: Il y a presque 5 ans, à travers une œuvre diffusée à Montréal en collaboration avec le Théâtre Aux Écuries, on abordait le sujet de la peur. Lors d’ateliers de médiation auprès de spectateur·rice·s vivant avec une déficience intellectuelle, j’ai été saisie par l’alarmante réalité de certaines participantes : leur plus grande peur était un homme de leur entourage. C’était à l’époque de l’histoire de Ghomeshi et de ce premier mouvement de libération de la parole des victimes dans l’espace public, #AgressionNonDénoncée. En suivant le procès fort médiatisé de Ghomeshi, je me suis mise à réfléchir aux répercussions que son acquittement pouvait avoir sur les victimes d’abus et sur leur prise de parole. C’est donc la thématique de la honte que j’ai d’abord voulu aborder, celle qui nous fait taire, celle qui nous fait chuchoter à un ami… et c’est ainsi qu’est née l’idée de cette œuvre, VIOLETTE.

Dès le départ, il s’agissait donc d’une œuvre intimiste, à jauge réduite, pour publics aventureux. Inspirée par ces « histoires de filles », stimulée par le courage de celles qui brisent le silence, nourrie par ces confidences dont je fus au fil des ans le réceptacle secret, j’ai commencé à imaginer une rencontre où la réalité de certaines de mes collègues vivant avec un handicap serait exposée de manière intime, unique et privilégiée. Comme dans un rêve. Cette réalité – plus similaire à un cauchemar qu’à un rêve – est évidemment le taux d’abus sexuelle chez les personnes vivant avec une déficience intellectuelle, entre 70% et 90% chez les femmes, et jusqu’à 50% chez les hommes.

Pouvez-vous nous parler du processus d’écriture collective pour une œuvre comme VIOLETTE ? Comment ça fonctionne ?

C.B.: Depuis ses débuts, la compagnie prône l’écriture de plateau comme posture politique et esthétique, afin de faire émerger une parole entière et d’éviter l’appropriation d’un discours spécifique aux communautés représentées sur scène par des auteur·rice·s et metteur·se·s en scène qui ne font pas partie de ces communautés. Par contre, pour VIOLETTE, la rigidité du médium filmé – une fois que c’est dans la boîte, ça ne bouge plus! – est à l’opposé de nos processus habituels, qui évoluent et se transforment jusqu’à la première, et même durant les représentations. Ainsi, avec VIOLETTE, l’autrice Amélie Dumoulin, cofondatrice de JJJ, a prêté sa plume au projet, inspirée par le vécu de certaines artistes. S’en est suivi une joute de ping-pong en ateliers dramaturgiques avec l’actrice principale – afin de faire évoluer le récit en respectant la spécificité de sa prise de parole, tout en s’adaptant au médium de la réalité virtuelle.

Vous innovez également avec cette création en incorporant la réalité virtuelle dans l’expérience théâtrale. Pourquoi le choix de cette technologie ?

C.B.: Avec Joe Jack et John, on travaille souvent de façon pluridisciplaire. C’est parfois grâce à cette hybridité des genres ou à travers le dialogue entre les différentes disciplines (théâtre, danse, spoken word, performance, installation) qu’on trouve des réponses à des défis esthétiques ou dramaturgiques. Avec VIOLETTE, le désir de créer une rencontre inédite et intime, ainsi que le sujet – un sujet que l’on chuchote à l’oreille d’un·e ami·e et non que l’on projette fort sur scène – sont les aspects qui ont initialement motivé mon intérêt pour cette nouvelle forme. La réalité virtuelle est aussi décrite comme étant le médium de l’empathie, permettant à l’utilisateur·rice d’entrer en contact direct avec une autre réalité, de porter, en quelque sorte, les souliers d’une autre personne.

Par ailleurs, le domaine des nouvelles technologies est fortement dominé par des hommes blancs, et particulièrement celui de la réalité virtuelle, dont la naissance et l’essor sont directement liés à l’industrie pornographique et à celle du gaming. C’est donc aussi par désir d’équilibrer les sources des narratifs que j’ai voulu explorer le médium en mettant de l’avant un discours féminin et féministe, à contre-courant des esthétiques dominantes.

Que diriez-vous au public vancouvérois pour le convaincre de prendre part à VIOLETTE ?

C.B.: En ces temps d’isolement, la rencontre intime que provoque VIOLETTE prend une tout autre portée, permettant d’entrer dans des zones d’aventures humaines fortuites, plus rarement initiées qu’en temps habituel. Outre cette intimité particulière, la résilience imaginaire et onirique provoquée par la rencontre avec Violette est, je crois, grandement inspirante!

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PODCAST

Écoutez Emilie Leclerc, actrice, créatrice et animatrice de théâtre proche de la Seizième, et Catherine Bourgeois échanger à propos de VIOLETTE (enregistré le jeudi 7 janvier).

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14 JANVIER, MISE À JOUR COVID-19 – ANNULATION DE VIOLETTE
VIOLETTE est une expérience accessible à un·e spectateur·rice à la fois. Visites du 28 janvier au 6 février 2021 au Studio 16. Infos et billets sur la page web de la création, par ici.

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